31 janvier 2015
Première journée de la critique des médias organisée par Acrimed
De 14h à 21h30, à La Java,
105 rue du Faubourg-du-Temple 75010 Paris
(Métro Goncourt ou Belleville)
Les assassinats récemment perpétrés à Paris sont des actes ignobles. L’attentat perpétré contre l’hebdomadaire Charlie Hebdo
est ignoble. Des journalistes assassinés et c’est la liberté de toute
la presse qui est visée et, à travers elle, toutes les libertés. La
liberté de l’information est en danger quand des fanatiques, des
dictatures ou des régimes autoritaires s’en prennent à elle. Mais elle
est n’est pas en bonne santé quand les médias sont livrés à des
actionnaires qui laissent se développer un journalisme précaire et à bas
coûts, quand les chefferies éditoriales, particulièrement dans les
grands médias audiovisuels, se satisfont d’un pluralisme anémié, quand
des gouvernements, en France même, placent les journalistes sur écoute,
abandonnent la presse écrite à son marasme, le secteur public de
l’audiovisuel à son sous-financement, les médias libres et alternatifs à
des formes de mendicité. Devenus des « Charlie », des responsables
politiques – ceux-là mêmes qui, habituellement, se désintéressent du
pluralisme quand ils n'en sont pas les seuls bénéficiaires –, plaident
pour l'impertinence et la diversité. Devenus des « Charlie », les
patrons des médias dominants se sont déclarés garants d’une liberté de
la presse qu’ils confisquent à leur profit. Nous ne sommes pas dupes :
La question des médias, c’est notre affaire !
1995 :
La plupart des grands médias accusent de corporatisme et d’archaïsme le
mouvement de grèves et de manifestations qui s’opposent au plan Juppé,
visant (déjà…) à démanteler la Sécurité sociale. Ce fut une raison
suffisante de fonder Acrimed.
2005 :
La quasi-totalité des éditocrates et « experts » font campagne pour le
« oui » au référendum pour un traité constitutionnel européen, décrétant
que le « non » (qui l’emportera) est irrationnel et xénophobe. Ce fut
l’une des raisons d’organiser, sur notre proposition, des États généraux
pour le pluralisme en 2006.
2015 :
La plupart des chiens de garde de l’ordre médiatique et social existant
continuent d’aboyer contre tout discours remettant en cause les
politiques néolibérales et le magistère que ces idéologues s’arrogent.
C’est l’une des raisons d’organiser une journée de critique des médias.
Mais ce n’est pas la seule.
1995-2015 :
Deux décennies ont vu se succéder des gouvernements qui, sur la
question des médias, ont laissé s’aggraver, quand ils ne les ont pas
aggravées eux-mêmes, l’anémie du pluralisme et la précarité du
journalisme, l’emprise du capital privé sur les médias et le recul du
secteur public (ou sa soumission croissante aux logiques d’audimat). Des
résistances se sont multipliées, des alternatives associatives ont vu
le jour : ce fut sans le soutien de ces gouvernements, quand ce ne fut
pas malgré eux ou contre eux. Au cours de ces deux décennies, des
gouvernements prétendument progressistes sont parvenus à deux reprises
au pouvoir : quand ils n’ont pas favorisé ce qu’ils prétendaient
combattre, ils n’ont produit jusqu’à présent que quelques rustines !
La
situation de la grande presse écrite est dramatique. Dans la plupart
des médias, qu’il s’agisse d’indépendance à l’égard des pouvoirs ou de
pluralisme politique, la crise n’a en rien changé la donne : c’est aux
mêmes prétendus experts économiques et aux mêmes journalistes dominants
que l’on continue de demander des « diagnostics » et des « solutions »,
malgré leur faillite avérée. Difficile d’ailleurs de voir comment les
choses pourraient changer puisque rien ne contraint au changement ceux
qui tiennent les rênes des « grands » médias au nom de grands
propriétaires ayant fait fortune dans le BTP (Bouygues), l’armement
(Dassault, Lagardère), le luxe (Arnault) ou les télécommunications
(Niel).
En
outre, le gouvernement actuel ne fait même plus semblant de se
préoccuper vraiment de la question des médias. Il est vrai que le
candidat François Hollande avait peu promis. Mais il n’a à ce jour
presque rien tenu. Une réformette du CSA tient lieu de transformation de
la régulation démocratique des médias. L’appropriation des médias par
des groupes qui dépendent des marchés publics est restée inchangée. La
refonte des aides à la presse, timidement envisagée, a été reportée sine die.
La loi sur le secret des sources, pourtant adoptée en commission, a
disparu. Des propositions de lois, notamment sur le statut juridique des
rédactions et sur le statut d’entreprise de presse sans but lucratif,
ont été déposées ou pourraient l’être : il n’existe aucune certitude
qu’elles soient effectivement discutées.
Les
lois Loppsi et Hadopi sont, pour l’essentiel, toujours en vigueur. La
financiarisation des entreprises médiatiques continue à faire des
ravages, la précarité d’une grande partie des journalistes (notamment
les jeunes) ne cesse de se développer, la distribution de la presse
imprimée est déstabilisée, les concentrations et les
instrumentalisations capitalistes des médias s’intensifient : sur tout
cela le gouvernement est de marbre. Mais, notamment pour obéir aux
injonctions de l’Europe libérale, le statut de l’AFP est menacé et
France Télévisions risque en 2017 d’être privée du soutien du budget
public, sans réelle compensation.
Dans tous les domaines, prolifèrent ainsi des informations aux yeux bandés :
sur les mouvements sociaux, sur les questions économiques, les
questions judiciaires et biens d’autres, la pluralité des opinions
éditoriales est confisquée par des commentateurs multicartes et une
minorité de prétendus experts qui sévissent dans tous les médias. Quant
aux questions internationales…
Dans tous les médias (ou presque), travaillent des journalistes sous contraintes
qui, quand ils ne sont pas des rouages n’aspirant qu’à servir,
subissent des logiques mercantiles, des hiérarchies incontrôlées,
l’extension de la précarité, des conditions de travail détériorées, des
rédactions sans statut juridique, une protection dérisoire du secret des
sources, etc.
Enfin, la plupart des grands médias sont des médias sous emprise : sous
l’emprise des effets conjugués de la révolution numérique et de la
contre-révolution néolibérale. Les espaces de liberté qu’ils concèdent
sont fragiles : il faut les renforcer. Des médias alternatifs se
multiplient, notamment sur Internet ; il faut les soutenir. Mais ces
médias alternatifs, livrés à eux-mêmes, ne peuvent constituer en
eux-mêmes une alternative aux médias qui touchent la majeure partie de
la population.
Transformer les médias : une urgence
démocratique, un combat politique !
Par
temps de crise, la question des médias ne figure sans doute pas parmi
les urgences économiques et sociales. Mais la crise n’aboutit pas
seulement à une détérioration des conditions d’existence de la plupart
d’entre nous : les politiques d’austérité qui, prétendant répondre à la
crise, contribuent en réalité à aggraver ses conséquences, sont
confortées par un intense travail sur l’opinion accompli en grande
partie par les médias dominants.
Transformer
les médias reste donc une urgence démocratique et un combat politique
décisif. C’est pourquoi nous avons décidé d’organiser, pour la première
fois (et sans doute pas la dernière…), une Journée de la critique des médias.
Parce
que nous ne prétendons pas mener solitairement ce combat et que
celui-ci doit mettre en mouvement associations, syndicats, médias
critiques et forces politiques qui, dans les limites de leurs terrains
d'intervention, partagent, ne serait-ce que partiellement, notre
diagnostic et nos propositions, nous voulons faire de cette journée un
moment de rencontre, de confrontation et de mobilisation.
Demandez le programme !
14h : Accueil en images, avec les « Epandages médiatiques » de Gilles Balbastre et de l’équipe de Nada… et ouverture de la journée
I. 14h30–16h30 : Table ronde suivie d’un débat
Des informations aux yeux bandés ? L’information c’est notre affaire !
Un échantillon national des informations et des débats à sens unique.
Avec les
représentant·e·s d’Attac (Aurélie Trouvé), de Bastamag (Agnès
Rousseaux), de Solidaires (Nathalie Bonnet de Sud Rail) et du Syndicat
de la magistrature (Laurence Blisson).
16h30–17h :
Sur l’information internationale : extraits d’« Opération Correa », avec Pierre Carles
II. 17h–19h : Table ronde suivie d’un débat
Des journalistes sous contraintes ? Le journalisme, c’est notre affaire !
Vous avez dit « Indépendance » et « qualité » ? Des maux et des remèdes
Avec les représentant·e·s d’Acrimed (Mathias Reymond), de la Ligue des droits de l’Homme (Dominique Guibert), du SNJ (Dominique Pradalié) et du SNJ-CGT (Emmanuel Vire).
19h–20h : Pause apéritive et gustative…
… et la chronique de Didier Porte
III. 20h–21h30 :
Des médias sous emprises ? Transformer les médias, c’est notre affaire !
Avec Serge Halimi et Henri Maler.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire