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Communiqué commun
Paris, le 10 juillet 2015
La
Police aux frontières (Paf) traque obstinément ceux qui viennent en
aide aux migrants. A Perpignan, cette sinistre besogne a été couronnée
par des poursuites pénales engagées par le procureur de la République à
l’encontre d'un dangereux activiste des droits de l'Homme.
Des
policiers zélés avaient identifié une cible de choix en la personne de
Denis L. : il hébergeait à son domicile une famille arménienne (deux
enfants de 3 et 6 ans et leurs parents), sous le coup d'une obligation
de quitter le territoire et dans l'attente des résultats d'un ultime
recours, non suspensif, contre le rejet de leur demande d'asile.
Employant
les grands moyens pour le confondre, ils lui ont infligé trente-six
heures de garde à vue et un long interrogatoire, à la suite de quoi le
procureur l'a convoqué devant le tribunal correctionnel : il doit y
comparaître le 15 juillet pour aide au séjour irrégulier, délit passible
de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de trente mille euros.
Pourtant,
l'article L622-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du
droit d’asile exclut toute poursuite lorsque l'hébergement d'un étranger
en situation irrégulière « n'a donné lieu à aucune contrepartie et qu'il était destiné à assurer des conditions de vie dignes et décentes ».
Autrement dit, lorsque l'hébergeant agit par solidarité, comme Denis L.
l'a fait, à la demande du Collectif des sans-papiers de Perpignan, qui
cherchait à reloger plusieurs familles de demandeurs d'asile en
détresse.
Qu'importe :
cette exception n’a désarmé ni les policiers ni le procureur de la
République. Pour trouver une contrepartie à l'hébergement qu'ils
voulaient à tout prix incriminer, ils sont allés chercher au fond de
l'évier et du bac à linge sale de Denis L. ! Le procès-verbal de
convocation devant le tribunal lui reproche en effet d'avoir demandé à
ceux qu'il accueillait de « participer aux tâches ménagères (cuisine, ménage, etc.) ».
Un ferme
avertissement est ainsi donné à tous ceux qui manifesteraient de
dangereux penchants pour une solidarité qui reste encore et toujours
suspecte aux autorités policières et judiciaires : si vous accueillez un
étranger chez vous, n'allez quand même pas jusqu'à partager quoi que ce
soit avec lui, surtout pas la vaisselle ou le ménage ! Et s'il vous
parle, faites attention, l'agrément de sa conversation serait une
contrepartie évidente au toit que vous lui prêtez. En somme, vous devez
faire comme s'il n'était pas là. C'est toujours comme ça, avec les
étrangers : c'est mieux s'ils ne sont pas là…
La
prétendue dépénalisation du délit de solidarité proclamée en 2012 n’est
que faux-semblant : il passe encore la porte des palais de justice. Une
fois de plus, une fois de trop !
Organisations signataires :
LDH, Gisti, Fasti, RESF, La Cimade, Syndicat de la magistrature,
Syndicat des avocats de France, Mrap, Union syndicale Solidaires,
Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF), Réseau
chrétien immigré (RCI), Collectif ivryen de vigilance contre le racisme
(CIVCR), RESF 51, Itinérance Cherbourg, collectif Si les femmes
comptaient, PCF, Parti de gauche, PCOF, Ensemble !.