La "convergence des luttes" est-elle en marche ? Malgré la répression, la contestation s’installe dans la durée et gagne en intensité. Aux côtés de Nuit debout, des étudiants et lycéens, de nouveaux secteurs entrent en action.
Le recours à l’article 49-3 de la Constitution n’a pas mis un coup d’arrêt au mouvement social contre la loi El-Khomri, bien au contraire. Jeudi 19 mai, septième journée nationale de mobilisation depuis le 9 mars, les cortèges étaient bien fournis [1] un peu partout en France, plus que lors des deux journées précédentes, et les participants ont affiché une détermination renforcée par l’inflexibilité du pouvoir.
Aux côtés des étudiants et lycéens, toujours aussi actifs, et du mouvement Nuit debout qui persiste à occuper les places, la nouveauté de la semaine est venue des grèves et actions de blocages menées par les salariés dans plusieurs secteurs stratégiques de l’économie, et qui promettent de s’inscrire dans la durée.Le tournant fait notamment suite à un durcissement de la position de la CGT, mise sous pression par sa base et excédée par le recours au 49-3. La centrale de Montreuil était jusqu’ici restée plus mesurée, au regard des mouvements de jeunesse et du syndicat Solidaires qui appelaient à une généralisation des grèves reconductibles depuis plusieurs semaines. Suivant un appel conjoint de la CGT Transports et de Force ouvrière (FO), les routiers sont entrés en action à partir du 16 mai, participant à de nombreuses actions de blocage un peu partout sur le territoire, en particulier sur des sites industriels, des raffineries et des dépôts de carburant.
Dans les raffineries, « plus vite et plus fort qu’en 2010 » ?
Dans certaines villes comme Le Havre, place forte du mouvement syndical bloquée durant plusieurs jours, ou Saint-Nazaire, des actions ont été menées avec les salariés des ports et des docks, très remontés eux-aussi. Une première série de grèves et de blocages ont visé les raffineries et dépôts pétroliers, entraînant des mesures de rationnement du carburant dans une dizaine de départements. Vendredi, la CGT-Pétrole entendait durcir encore le mouvement, appelant « à ce que les raffineries arrêtent leurs installations de production de produits pétroliers ». Le mouvement semble prendre rapidement, « plus vite et plus fort qu’en 2010 » selon Sébastien Varagnol, responsable CGT sur le site pétrochimique de Lavéra dans le Sud-Est de la France, joint par Regards.De fait, dans le courant du week-end, les salariés des raffineries de Gonfreville-l’Orcher près du Havre, de Feyzin près de Lyon et de Donges en Loire-Atlantique avaient voté l’arrêt des installations, un processus qui prendra plusieurs jours [2]. Toujours près du Havre, la raffinerie ExxonMobil de Notre-Dame-de-Gravenchon était bloquée en fin de semaine, tandis que celle de Grandpuits en Seine-et-Marne a stoppé ses expéditions, de même que deux des trois raffineries du site pétrochimique de l’étang de Berre près de Marseille, où le personnel est en grève et sur le point, là-aussi, de stopper les installations. Ce sont donc, au total, au moins cinq des huit raffineries françaises qui sont aujourd’hui engagées sur la voie d’un arrêt de leur production. « On ira jusqu’à la pénurie », prévient Sébastien Varagnol.
Les cheminots en embuscade
Les regards sont aussi tournés vers le mouvement des cheminots, mobilisés contre une réforme globale des conditions de travail de leur secteur, mais aussi contre la loi travail. Étudiants, lycéens et militants de Nuit debout appellent à une "convergence des luttes" depuis plusieurs semaines, comptent beaucoup sur une éventuelle entrée en grève reconductible des agents de la SNCF, et leur ont signifié leur soutien par plusieurs actions communes. Les cheminots ont bel et bien franchi un cap cette semaine, avec le préavis de grève déposé par la fédération CGT du secteur, appelant les agents à débrayer 48 heures par semaine, chaque mercredi et chaque jeudi.
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