lundi 19 septembre 2016

Construction de nouvelles prisons : une politique qui mène droit dans le mur

Paris, le 19 septembre 2016
69 375 : c’est le nombre de personnes qui étaient détenues dans les prisons en juillet dernier, la France atteignant ainsi des taux de détention inégalés depuis le 19e siècle. Contraignant 3 à 4 personnes à partager des cellules de 9m2 en maison d’arrêt et autour de 1 500 personnes à dormir chaque nuit sur des matelas posés au sol. Au mépris du principe de l’encellulement individuel et de la dignité des personnes, près de 15 000 personnes sont en « surnombre » et une quarantaine de maisons d’arrêt connaissent un taux d’occupation de plus de 150 %. 

Pour y remédier, le gouvernement annonce la construction de 10 000 nouvelles places de prison pour l’horizon 2024. Une réponse ambitieuse et audacieuse ? Non, une vieille recette qui a déjà fait la preuve de son inefficacité et que les gouvernements successifs continuent pourtant de nous servir comme la seule solution pragmatique… restant sourds aux résultats de nombreuses études et statistiques qui la pointent au contraire comme inopérante, que ce soit pour endiguer la surpopulation carcérale ou pour réduire la récidive.

Que disent les chiffres ? Que depuis 25 ans, près de 30 000 places de prison ont été construites, un effort immobilier inédit entraînant une hausse de 60 % du parc pénitentiaire. Sans effet cependant sur la surpopulation car dans le même temps, le pays a emprisonné toujours plus et de plus en plus longtemps, sous le coup de politiques pénales essentiellement répressives. Des politiques qui seraient rendues nécessaires par une insécurité grandissante, entend-on dire. Une idée reçue là aussi démentie par la réalité, le taux de criminalité étant globalement stable, les homicides et violences sexuelles ayant même diminué ces dernières années. En France comme ailleurs, la courbe du nombre de personnes détenues n’est pas tant liée à celle de la délinquance qu’aux choix de politiques pénales des gouvernants. Des politiques qui se sont concrétisées dans notre pays par l’allongement de la durée moyenne de détention et par une incarcération massive pour des petits délits, avec une augmentation de plus  de 33 % du nombre de détenus condamnés à des peines de moins d’un an de prison en cinq ans.

Surtout, construire plus de prisons, ce n’est pas mieux protéger la société. Au contraire. La prison produit ce qu’elle entend combattre : elle aggrave l’ensemble des facteurs de délinquance en fragilisant les liens familiaux, sociaux ou professionnels, favorise les fréquentations criminogènes, et n’offre qu’une prise en charge lacunaire – voire inexistante – face aux nombreuses problématiques rencontrées par la population carcérale en matière d’addiction, de troubles psychiatriques, d’éducation, de logement, d’emploi, etc. Conséquence : 61 % des personnes condamnées à une peine de prison ferme sont réincarcérées dans les cinq ans. Des chiffres qui tombent à  34 et 32 % pour une peine alternative à la prison comme le travail d’intérêt général ou le sursis avec mise à l’épreuve. Tandis que les moyens manquent cruellement aux personnels et aux structures qui assurent l’accompagnement socio-éducatif et l’hébergement des sortants de prisons et personnes condamnées en milieu ouvert, le gouvernement prévoit d’injecter trois milliards d’euros supplémentaires aux cinq milliards déjà engloutis dans l’accroissement et la sécurisation du parc pénitentiaire en une décennie.

Où s’arrêtera cette fuite en avant carcérale ?

A l’heure où plusieurs de nos voisins européens ferment des prisons, où les Etats-Unis réalisent que l’incarcération de masse les a menés dans une impasse coûteuse et inefficace, la France, elle, fait le choix d’une continuité aux coûts économiques, sociaux et humains exorbitants. Pour lutter efficacement contre l’inflation de la population pénale et carcérale, c’est d’une politique pénale humaniste, ambitieuse et audacieuse, visant à investir massivement dans la prévention, l’accompagnement et le suivi en milieu ouvert, dont notre société a besoin.


Organisations signataires :
Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT-France)
Association national des juges de l’application des peines (ANJAP)
Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (ASPMP)
Avocats pour la défense des droits des détenus (A3D)
Ban Public
CASP-ARAPEJ (Centre d’action sociale protestant – Association réflexion action prison et justice)
CGT-Insertion Probation
Citoyens et Justice
Emmaüs-France
Genepi
Ligue des droits de l’homme (LDH)
Observatoire international des prisons, section-française (OIP-SF)
Prison Insider
Secours catholique
Syndicat des Avocats de France (SAF)
SNEPAP-FSU
Socapsyleg

Syndicat de la magistrature (SM)

mardi 9 août 2016

Centre de rétention de Rennes : 2 enfants enfermés avec leur mère

«

Redon, le 9 août 2016
Communiqué
Le 5 août 2016, deux enfants de 5 ans et 18 mois et leur mère ont été enfermés au
centre de rétention administrative (CRA) de Rennes. Depuis le 12 juillet 2016 et la
quintuple condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme
(CEDH), il s’agit de la septième famille enfermée en rétention.
Arrivée en France, en 2009, la famille a été séparée avec l’expulsion du père en
décembre 2015, vers le Kosovo. Les autres membres de la famille ont été assignés à
résidence à deux reprises, depuis juin. Le 5 août, la police est venue chercher la mère
et ses deux enfants à leur domicile à Port-Brillet (Mayenne) pour les interpeller et les
conduire de force à l’aéroport.
Mme B. a refusé de monter dans l’avion car elle craint de retourner dans son pays. La
préfecture de Mayenne a alors décidé de l’enfermer en rétention avec ses deux enfants
en bas âge.
La section de la Ligue des droits de l’Homme du Pays de Redon rappelle que
l’enfermement des mineurs est une mesure extrêmement grave. Les centres de
rétention sont des lieux particulièrement anxiogènes et traumatisants. Les enfants sont
particulièrement vulnérables à ces violences dans un univers carcéral : barbelés,
cellules, verrous, vidéosurveillance et forte présence policière.
Nous appelons le gouvernement français à ordonner la mise en liberté immédiate de
cette famille, et de tirer toutes les conséquences des arrêts de la CEDH (voir le
communiqué de presse de La Cimade : La France condamnée cinq fois par le CEDH :
l’enfermement des enfants en rétention doit cesser).
La loi doit changer pour mettre fin à l’enfermement en rétention des enfants, y compris
à Mayotte.
Une pétition citoyenne a été lancée en ligne pour soutenir cette famille  : Port-Brillet :
une mère menacée d’expulsion"
http://www.lacimade.org/une-mere-et-ses-deux-enfants-de-5-ans-et-18-mois-enfermes-
au-cra-de-rennes/
L.D.H. Section du Pays de Redon Centre social, 5 rue Guy Pabois, 35600 Redon.
Contact: ldhredon@gmail.com 06 81 27 95 33

mardi 12 juillet 2016

Communiqué : Placement en rétention de Karwan *, 19 ans

Placement en rétention d’un syrien en vue d’une expulsion en Turquie :
Karwan *, 19 ans est actuellement placé en rétention au Centre de Rétention Administrative
(CRA) de Rennes Saint-Jacques. Kurde de nationalité syrienne, il est sur le point d’être
expulsé vers la Turquie.
Il a fui le conflit syrien en septembre 2014 accompagné de ses parents et ses trois jeunes
frères. Après un an et demi passé en Turquie, ils ont pu rejoindre la Grèce. Durant quatre
mois, il a subi les conditions extrêmement précaires des camps de réfugiés grecs. Karwan*
décide alors de tenter sa chance en Allemagne. Se retrouvant face aux frontières fermées des
pays des Balkans, il change d’itinéraire et passe par l’Italie et la France pour finalement
espérer rejoindre le Royaume-Uni.
Le 29 juin 2016, il se fait arrêter par la gendarmerie au port d’Ouistreham, avant de pouvoir
quitter le sol français. La préfecture du Calvados décide d’enfermer Karwan* au centre de
rétention de Rennes pour l’expulser vers la Grèce ou la Turquie en s’appuyant sur un accord
de réadmission passé en 2014 entre l’Union européenne et la Turquie.
Ainsi, la préfecture du Calvados franchit un nouveau seuil en décidant d’expulser en Turquie
une personne en demande de protection internationale sans s’assurer qu’elle ne sera pas
refoulée dans son pays d’origine.
La Ligue des Droits de l’Homme et la Cimade s’inquiètent que la France expulse des exilés
syriens en Turquie, un pays qui ne peut en aucun cas être considéré comme un pays « sûr ».
Rappelons que la Turquie n’a ratifié que partiellement la Convention de Genève et n’examine
que les demandes d’asile des ressortissants européens. Sans parler de l’insécurité qui règne
dans ce pays pour les réfugiés, mais aussi pour les défenseurs des droits de l’Homme.
L.D.H. Section du Pays de Redon Centre social, 5 rue Guy Pabois, 35600 Redon.
Contact: ldhredon@gmail.com 06 81 27 95 33La Ligue des Droits de l’Homme et la Cimade demandent la libération immédiate de cet
exilé syrien et déplorent que la possibilité de déposer une demande d’asile en France ne
lui soit offerte qu’en centre de rétention administrative alors qu’il était arrivé en France
que depuis quelques jours. L’acharnement doit cesser, il n’ajoute que violence et
humiliation aux parcours de ces personnes en quête d’une protection
La Ligue des droits de l’Homme réaffirme son opposition à l’existence même des centres
de rétention administrative. Elle demande la fermeture de ces lieux de tensions, de
violences, de dénis de droits et de dangers de mort. C’est à cela que la Ligue des Droits
de l’Homme oppose le principe de la solidarité, la nécessité de l’accueil et l’urgence de la
régularisation.
*Le prénom a été modifié

samedi 25 juin 2016

Les enfants, ça doit travailler !



le 12 juin, c’était " journée mondiale contre le travail des enfants"
 Les chiffres montrent que « l’esclavage » n’a pas disparu, puisque des millions de jeunes sont asservis ou sont forcés à travailler. Ces enfants ont souvent beaucoup de problèmes pour obtenir de l’aide, non seulement parce qu’ils sont jeunes, mais aussi parce qu’ils ne possèdent aucun certificat de naissance ou papiers officiels, et qu’ils sont donc « invisibles » aux yeux des autorités. S’y ajoute la qualité de « réfugié » dans des zones du Moyen Orient, et pas des moindres comme la Turquie, ou d’exilé économique, comme en Afrique de l’Ouest.


Nouvelle source de main d’oeuvre : les réfugiés

En Turquie l’exploration des enfants a pris une autre dimension avec l’arrivée des réfugiés syriens. En 2013, aucun enfant travailleur réfugié n’avait été enregistré dans les cas de décès. Durant les trois dernières années 19 enfants syriens sont décédés au travail. (5 en 2014, 12 en 2015 et 2 en 2016).
De nombreuses organisations internationales de défense et protection des réfugiés, soulignent qu’une « génération perdue » qui n’a pas suffisamment accès à l’habitation, la nourriture et l’enseignement, est en train de grandir au sein des syriens en Turquie, comme dans d’autres pays.
Ces réalités contredisent totalement les propos des autorités européennes, celles-ci, pour ne pas faire face à leurs responsabilités politiques face à des populations où la xénophobie populiste gangrène les mentalités, considérant la Turquie comme « pays sûr ». A ce titre, elles porteront la responsabilité de « générations paupérisées » qui se retourneront contre la forteresse Europe à moyen terme.

pour l’intégralité de l'article : UN article de KEDISTAN :

lundi 20 juin 2016

Projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes : construire et respecter la démocratie

Le gouvernement a décidé d’organiser une consultation des électeurs de Loire-Atlantique, qui aura lieu le dimanche 26 juin. Les électeurs auront à répondre par « oui » ou par « non » à la question suivante : « Etes-vous favorable au projet de transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique sur la commune de Notre-Dame-des-Landes ? ».

La LDH ne s’est pas prononcée sur l’opportunité de la construction de ce nouvel aéroport et ne se prononcera donc pas sur la réponse à apporter à la question posée par cette consultation. Elle considère, en effet, qu’une telle décision ne relève pas de son mandat ; elle entend, en revanche, donner son avis sur la procédure qui y a conduit.

Décider, aujourd’hui, de consulter les citoyennes et les citoyens, c’est dire que la procédure antérieure, pourtant présentée par le gouvernement comme satisfaisante, ne l’était pas. La démocratie se nourrit du débat public. Elle ne peut se limiter à la prise de décision des élus ou aux affirmations des experts. Tout particulièrement en ce qui concerne les grands projets. Manifestement, dans ce cas précis, comme dans beaucoup d’autres, les mécanismes de consultation et de débat ne répondent pas aux besoins d’un dialogue et d’une consultation réelle et non purement formelle. 

L’attitude du gouvernement qui provoque une autre expertise, démentant partiellement le projet initial, la poursuite des procédures d’expulsion en même temps que l’on appelle les citoyens et les citoyennes aux urnes, la circonscription restreinte de la consultation alors que le projet est présenté comme d’intérêt régional, tout cela conduit à penser que le résultat de cette consultation ne suffira pas à légitimer la décision qui sera prise ensuite, quel qu’en soit le sens. Au-delà du cas d’espèce, c’est l’ensemble du processus qui amène à décider de tel ou tel grand projet qui doit être profondément revu. La transparence des projets, la diffusion des expertises et le débat contradictoire autour d’elles, l’information et la consultation effective des populations concernées doivent accompagner la décision des élus. Sans cela, les formes de la démocratie auront été, sans doute, respectées, mais pas l’esprit de celle-ci, qui seul permet l’adhésion la plus large.

La LDH regrette qu’une telle démarche n’ait pas été mise en œuvre et ne soit toujours pas à l’ordre du jour, pour ce projet comme pour les autres.

La Ligue des droits de l’Homme appelle les pouvoirs publics à construire le dialogue sur le fondement d’informations complètes et de la participation du public à celui-ci, afin de pouvoir faire des choix conformes à l’intérêt général. Elle appelle les citoyens et les citoyennes à s’emparer de ce débat, dont cette consultation ne peut être qu’un des éléments.

jeudi 16 juin 2016

L'Unicef dénonce l'exploitation des migrants mineurs dans les jungles françaises

Violés, contraints de se prostituer, de voler, d’accomplir des corvées quotidiennes dans les camps ou d’aider à faire monter des migrants dans les camions… Les mineurs non accompagnés qui campent à Calais (Pas-de-Calais), Grande-Synthe (Nord) et dans cinq petites « jungles » voisines sont la proie des passeurs. Signataire de la Convention internationale des droits de l’enfant, la France leur doit pourtant assistance et protection.

Trois sociologues ont passé quatre mois sur le littoral de la Manche et dans le Calaisis, explorant les campements jusqu’à Cherbourg (Manche). Ils y ont réalisé des entretiens approfondis avec 61 jeunes venus seuls d’Afghanistan, d’Afrique subsaharienne, d’Egypte, de Syrie ou du Kurdistan.

Commandé par le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), leur travail permet de comprendre qui sont ces quelque cinq cents enfants et adolescents (dont douze ont moins de 14 ans et trois moins de 12 ans), comment ils sont arrivés et dans quelles conditions ils survivent.

Sur le littoral du nord de la France, la situation est extrêmement difficile. « Pour trouver une place à Norrent-Fontes [Pas-de-Calais] ou à Steenvoorde dans le département du Nord [deux des petits campements plus “humains” que Calais], le “droit d’entrée” est de 500 euros », dit Alexandre Le Clève, un des auteurs de l’enquête. A Calais, certains jeunes Afghans paieraient aussi 100 euros comme droit d’entrée pour obtenir une place et la protection d’un passeur.

Cinq euros la passe

Les chercheurs ont mis au jour le système qui permet aux mineurs désargentés de s’installer malgré tout dans un campement et de passer au Royaume-Uni. « Les entretiens avec les jeunes filles éthiopiennes, érythréennes ou kurdes ont permis d’identifier un échange de services sexuels contre la promesse d’un passage outre-Manche ou en vue d’accéder à certains terrains », rapporte Olivier Peyroux, coauteur de l’enquête.

> Lire la suite (Le Monde)