mardi 17 mai 2016

"La Nasse" nouveau dispositif de maintien de l'ordre


"Ce dispositif de maintien de l’ordre est surtout connu sous le terme anglais de kettle (« bouilloire ») ou kettling, la technique étant particulièrement prisée par la police de Sa Majesté."
Libération, 3 mai 2016

Malgré les discours plaintifs des syndicats policiers concernant les ordres peu clairs, voire contradictoires, qu’ils recevraient, on peut noter depuis le début du mouvement contre la loi travail, en tout cas à Paris, une volonté de roder un dispositif de maintien de l’ordre relativement nouveau à cette échelle en France : le kettling (ou la « nasse »). A plusieurs reprises, lors des manifestations, les unités de maintien de l’ordre (CRS ou Gendarmes mobiles) ont essayé d’encercler les manifestants. L’idée est ici d’isoler tout ou partie du cortège, afin éventuellement de l’immobiliser, d’arrêter certains de ses membres ou de provoquer sa dispersion au compte-goutte. Cette technique n’est pas née soudainement dans l’esprit retors de quelque stratège policier. Elle avait été expérimentée préalablement en France, dans des contextes différents (des rassemblements non-déclarés sur des places), comme lors du mouvement contre la réforme des retraites en 2010 à Lyon, ou lors de la mobilisation contre la COP21 (sous état d’urgence) en novembre dernier. Surtout, il s’agit d’une technique déjà utilisée par la police à l’étranger, notamment en Angleterre (où l’on a déjà vu des "nasses" durer près de 9h) ou au Canada (où l’on a déjà vu la police interpeller plus de 500 manifestants d’un coup).

Concernant le mouvement présent à Paris, la manoeuvre a été effectuée une première fois (et a partiellement réussi) le 5 avril. Ce matin-là, la manifestation lycéenne partie de Nation, avait été le théâtre de heurts impliquant les forces de police - qui avaient pris l’habitude de se positionner en grappes sur les côtés du cortège. Assez rapidement ces unités ont violemment chargé la manifestation, non pas dans le but de la disperser (avec des gaz lacrymogènes par exemple), mais au contraire pour « tasser » une partie des manifestants sur un côté de la rue, afin d’encercler une centaine de personnes (composant la partie certainement considérée comme la plus virulente du cortège). Une partie des personnes enfermées a réussi à s’enfuir en grimpant sur le toit d’un bâtiment en chantier. Les autres ont été maintenues encerclées. Le reste du cortège a été violemment incité à poursuivre sa route, et plus tard les policiers ont procédé à la dispersion du groupe encerclé, au compte-goutte ; une partie étant emmenée dans des cars de police (principalement pour vérification d’identité).
La manoeuvre a été réitérée le 12 avril contre une manifestation sauvage de quelques centaines de personnes, partie (la nuit) de la place la République en direction du commissariat du 2e. Cette fois c’est la quasi intégralité du cortège qui s’est retrouvée encerclée. C’est une nouvelle fois un chantier qui a offert une porte de sortie aux enfermés. Le 14 avril, lorsque le cortège matinal des lycéens a rejoint le point de départ d’une nouvelle manifestation à Stalingrad, il a de nouveau été intégralement encerclé, avant d’être relâché sous les jets des gazeuzes. La manifestation de l’après-midi a été quasi intégralement entourée de lignes de CRS, qui laissaient cette fois le cortège avancer.

Mais c’est certainement le 28 avril et surtout le 1er mai que la police a le plus nettement cherché à tronçonner la manifestation en « petits » groupes (de quelques centaines de personnes), plus facilement maîtrisables.

COMMENT ?

Il faut distinguer deux situations : 

- L’encerclement de l’intégralité des manifestants, qui a généralement lieu au point de départ (COP21) ou au point d’arrivée de la manifestation (commissariat du 2e ; Nation). La chose est relativement simple à mettre en oeuvre pour la police : le dispositif est déjà là, à tous les points de sortie de la place, et il suffit à un moment donné de resserrer les rangs policiers, et ainsi interdire l’accès et la sortie du rassemblement.

- Isoler et immobiliser tout ou partie de la manifestation alors qu’elle est déjà en mouvement. La police se met en situation de décider non seulement du parcours (on commençait à avoir l’habitude) mais aussi du rythme, de la tenue, et de la dispersion de la manifestation. Quand ça suffit, ça suffit : soit le cortège était déjà complètement encadré et il est tout simplement arrêté (avec le fantasme que, comme en Allemagne, la police puisse venir « prélever » des individus trop agités directement dans le cortège encerclé ) ; soit il était trop gros pour être complètement encadré et la police tente donc de le tronçonner (des morceaux plus petits étant plus facilement contrôlables).

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